Clémentine
Enceinte, je me gavais de clémentines. Il m'en fallait une le soir avant de me coucher, c'était une grossesse d'hiver...
La dernière fois au supermarché, un gros tas de clémentines au rayon des fruits et légumes, j'en prend une, je l'épluche, je fais sentir l'essence au doux bébé, son petit nez qui bouge, son regard étonné...
Je détache un quartier et je lui donne. Sa petite main maladroite mais délicate s'en saisit et il attend, méfiant que je commence à manger pour y goûter. On déguste, en bout de rayon, notre clémentine volée pendant que le papa vaque à des choses plus sérieuses comme remplir le chariot de poireaux et de carottes.
Les gens s'agitent autour de nous, on a le pouvoir de fonctionner au ralenti... Je savoure cet instant.
Le doux bébé mange un quartier pendant que j'en mange cinq... Sa main poisseuse, la goutte brillante au menton, les petites dents qui incisent la peau veloutée du quartier et les lèvres qui aspirent le jus.
Je pense malgré moi qu'on serait encore mieux en plein air, au marché, avec un petit vent d'hiver qui ferait rougir nos nez, je me promets d'essayer d'y aller plus souvent... Puis je me dis que là, c'est déjà bien.