Les cicatrices

On tombe amoureuse. On rencontre un autre corps. On dévoile son propre corps. On s’observe, on s’explore… On raconte ces petites et grandes marques blêmes qui se sont installées souvent brutalement. C’était douloureux et pourtant c’est oublié. C’est raconté avec amusement, avec des yeux pétillants, un zeste de vantardise dans la voix.

«-Là, sur ma cheville, c’est en vélo, j’avais dix ans je crois… Je me suis éraflée sur la pédale…

-Moi, là sur le bras… Des barbelés dans une pâture…Même âge que toi…

-Au coin de l’œil, tu vois ? Celle-là je ne sais pas d’où elle vient…

-Sur le bout du doigt là… Je me suis coupée avec un cutter en cours de dessin… »

Parfois c’était vraiment violent, parfois pas… Parfois c’est oublié… On les suit du doigt avec un air pensif, on les caresse, on les embrasse… On retient les histoires de l’autre, on s’en amuse, on compatit…

C’est si léger comme ça, vu de loin et pourtant maintenant que j’en ai une vraie, une qui fait encore mal deux mois après et bien je ne peux m’empêcher de trembler en pensant à celle qu’aura sûrement mon doux bébé.